
Notes biographiques
En tant que médiateur, enquêteur en milieu de travail et avocat, Jean-Michel Fréchette accompagne les parties dans leurs litiges, la résolution de leurs différends par la médiation ou intervient dans le cadre d’enquêtes indépendantes au sein des organisations.
Natif d’Ottawa, où il a démarré sa pratique, Fréchette Médiation en janvier 2021, Jean-Michel est parfaitement bilingue. Il a été admis au Barreau de l’Ontario et au Barreau de la C.-B. en 2013. Après avoir été formé à Ottawa, il a passé les premières années de sa carrière œuvrant en contentieux civil et d’assurance (défense) à Vancouver, en C.-B.
Pour plus d’une décennie, il a su représenter, avec succès, ses clients devant différentes cours provinciales au pays, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, la Cour fédérale du Canada, ainsi que devant divers tribunaux administratifs.
En tant qu’avocat avec plus de 10 ans d’expérience au service de demandeurs et de défendeurs, en droit des assurances, commercial, délits civils (diffamation), de la construction et de l’emploi, il comprend très bien les enjeux et ce qui pèse sur l’esprit des parties en litige, ce qui le rend particulièrement efficace en tant que médiateur et enquêteur.
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Notes de Jean-Michel Fréchette pour son allocution au Sommet francophone du Barreau de l’Ontario, à Ottawa, le 25 septembre 2025.
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis Jean-Michel Fréchette, médiateur, enquêteur indépendant en milieu de travail et avocat chez Fréchette Médiation. Je suis aussi conseiller auprès du Barreau et coorganisateur de ce magnifique Sommet francophone.
Avant de commencer, je tiens à remercier chaleureusement :
- le Barreau de l’Ontario – LSO CPD pour son soutien indéfectible,
- ma complice de l’organisation : Audrey LaBrie,
- les superbes coprésidentes, Anne et Stéphanie,
et surtout vous, les participantes et participants, qui ont bravé le trafic, les courriels et les horaires pour être ici aujourd’hui en personne.
⚖️ 1. Qu’est-ce qu’une enquête en milieu de travail… et ce qu’elle n’est pas?
- Définition: Une enquête en milieu de travail est un exercice de constatations de fait visant à déterminer si certains types d’incidents (harcèlement, violence, discrimination, etc.) ont eu lieu. Elle s’appuie sur des politiques de travail souvent ainsi que des lois comme le Code des droits de la personne, la Loi sur la santé et la sécurité au travail (Ontario), le Code canadien du travail et autres lois fédérales.
- Ce qu’elle n’est pas: Ce n’est pas un procès, ni un contrinterrogatoire, ni une chasse aux sorcières !
- Les 4 piliers fondamentaux pour les enquêtes bien menées sont l’équité, la rigueur, la confidentialité et l’efficacité.
- Elle doit être menée de façon neutre, sans préjugés, et respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale.
- Pourquoi enquêter? Pour protéger les employés, prévenir les abus, améliorer un milieu de travail et favoriser un climat de travail sain en harmonie avec le cadre légal.
2. Le droit de témoigner en français
Témoigner dans sa langue, c’est plus qu’un confort : c’est une question de justice. Ce droit permet aux personnes de s’exprimer avec nuance, émotion et précision. « Être forcé de s’exprimer dans une langue qui n’est pas la nôtre, c’est comme plaider devant la Cour… sans avoir eu accès au dossier et la communication préalable «document discovery».
Le droit de témoigner en français lors d’une enquête – Fédéral vs Ontario
- Fédéral: Selon le régime fédéral (Projet de loi C-65, règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence), mis en œuvre conformément au Code canadien du travail, la possibilité de choisir la langue (français ou anglais) est prévue et doit être respectée lors des enquêtes.
- Ontario: En Ontario, il n’existe pas de droit explicite de témoigner en français lors d’une enquête indépendante en milieu de travail. Toutefois, le principe de justice naturelle et l’équité procédurale exigent que les parties soient entendues dans la langue de leur choix, surtout si cela a un impact sur leur capacité à se défendre ou à s’exprimer pleinement.
- En pratique: Les enquêteurs doivent être attentifs aux besoins linguistiques et offrir des accommodements raisonnables. Cela fait partie des meilleures pratiques et du respect des droits fondamentaux.
3. L’approche informée par le trauma dans les enquêtes en milieu de travail – Enquêtes tenant compte des traumatismes
Cela implique d’adapter nos méthodes pour tenir compte du vécu émotionnel, des déclencheurs et du besoin fondamental de sécurité.
Une enquête bien menée peut être un pas vers la guérison — ou vers une plainte au Barreau, selon votre approche.
Dans le cadre des enquêtes, il est essentiel d’adopter une philosophie et une méthode informées par le trauma. Cela signifie:
- Identifier les biais (conscients et inconscients) implique de comprendre leur nature et leur origine. Il est possible de constater un biais après l’avoir exprimé ; il faut le reconnaître, s’excuser et d’analyser le type de biais (potentiel ou avéré) et l’impact sur la preuve, s’il y en a.
- Tenir compte de l’impact du traumatisme Il convient de prendre en considération l’influence du traumatisme sur la capacité des individus à se concentrer, à témoigner, ainsi qu’à comprendre et mémoriser les événements. Des réactions telles que l’immobilisation, la peur ou l’adoption d’un mode « survie » peuvent avoir un impact significatif sur la transmission et la réception de l’information.
- Éviter les stéréotypes et mythes: « il ne faut pas minimiser l’impact d’un événement traumatique sous prétexte qu’il n’y a pas eu de violence physique ou que la personne n’a pas réagi «comme on s’y attendait».
- Créer (autant que possible) l’espace qu’il faut, écouter activement et avec empathie, démontrer la volonté d’apprécier les circonstances particulières de chaque situation, et procéder à une analyse rigoureuse des faits en appliquant les seuils :
- Si les allégations sont confirmées, entraînent-elles une violation des politiques ou dépassent-elles les définitions établies? et
- Est-ce que le fait ou la situation a eu lieu selon la balance des probabilités?
4. Jurisprudence récente et implications pratiques
Cas marquant: Metrolinx c. Amalgamated Transit Union Local 1587, 2024 ONSC 1900
- Résumé du cas: Dans cette affaire, la Cour divisionnaire a infirmé la décision d’un arbitre et a rappelé l’obligation positive de l’employeur de mener une enquête sur des allégations de harcèlement potentielles. Même en l’absence de plainte formelle et même lorsque les instances se sont déroulées à l’extérieur du travail, l’employeur doit agir dès qu’il est informé d’une situation problématique.
- Leçons à retenir :
- L’enquête n’est pas facultative : elle est une obligation légale.
- Les parties ont le droit de répondre aux allégations et de présenter leur version des faits avant la rédaction du rapport final (Marentette c. Canada (Procureur Général), 2024 FC 676).
- La confidentialité ne peut pas être garantie (voir aussi Jarvis c. Banque TD, 2024 ONSC 3853).
- Le harcèlement (sexuel) doit être enquêté même sans plainte «formelle» (Metrolinx) et lorsque la plainte provient d’une personne qui n’est plus employé – (E.S. Fox Limited c. A Director under the Occupational Health and Safety Act, 2020 CanLII 75931).
Faites attention – le non-respect du droit de travailler ou de témoigner en français a mené à l’annulation des conclusions d’enquêtes internes. Autrement dit : si vous pensez que «Google Translate» suffit… les tribunaux ne sont pas d’accord.
5. Conclusion
En tant que franco-juristes, enquêteurs, gestionnaires — et humains— nous avons le devoir de bâtir des processus d’enquête qui respectent les droits linguistiques et les réalités humaines.
Merci encore à toutes et à tous. Si vous avez des questions, des commentaires ou des anecdotes juridiques croustillantes, je serai dans le coin avec un café (ou un verre, selon l’heure).
Contact : Pour toute question, venez me parler ou visitez mon site web – frechettemediation.ca