L’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que « toute personne est égale devant la loi et en vertu de la loi et a droit à la même protection et au même bénéfice de la loi sans discrimination […] ». Mais quelle est la meilleure façon de maintenir un accès égal aux tribunaux lorsqu’une pandémie force les tribunaux à limiter leurs services afin de protéger la santé publique? C’est la question avec laquelle les tribunaux du Canada sont aux prises depuis que le COVID-19 a paralysé le pays au début de mars 2020. La réponse a privé les tribunaux provinciaux de leur privilège bien-aimé de longue date de maintenir la tradition, les obligeant plutôt à s’adapter à l’ère numérique en constante évolution.
Les systèmes judiciaires du Canada sont demeurés en grande partie inchangés au fil des décennies. Les palais de justice représentent un espace physique pour rendre la justice, favorisant la collaboration en personne entre les juges, les avocats, les témoins, les greffiers et le personnel de soutien. L’idée de changer cette tradition a fait l’objet de critiques en raison du coût et du traditionalisme jusqu’à ce que le COVID-19 mette un terme aux activités des tribunaux. Les mesures d’éloignement social et les directives sur le séjour à la maison poussent les tribunaux à adopter l’ère numérique, qu’ils se sentent prêts ou non. Soudainement, assister à des audiences par vidéoconférence, prêter serment au téléphone et signifier des documents par courriel est devenu la « nouvelle norme ». Alors que les tribunaux examinent l’issue de cette expérience imprévue lorsqu’ils envisagent leur transition vers l’ère post-pandémique, une question primordiale demeure : à quoi ressemblera un système judiciaire post COVID-19 ?
Étant donné que certains pays connaissent déjà une « deuxième vague » de COVID-19, il est certain que le système judiciaire ne sera pas en mesure de revenir à toutes ses habitudes d’avant le COVID-19 de sitôt, sinon jamais. Malgré la pandémie, les tribunaux ont forcé l’expérimentation avec des services en ligne, qui ne pouvaient pas arriver à un meilleur moment. Actuellement, la communication en ligne et la gestion des fichiers sont sécurisées, rapides et simples. Les administrations qui ont adopté la présentation en ligne de documents aux tribunaux ont constaté les avantages du service en ligne, c’est-à-dire l’absence de documents perdus, l’absence de longs délais de livraison, la capacité de consulter instantanément, la jurisprudence et la doctrine et de faire une recherche numérique dans un document volumineux. De plus, les audiences sans témoins qui exigeaient autrefois un long voyage au palais de justice ont été remplacées par des rendez-vous rapides par vidéoconférence. Grâce à la vidéoconférence actuelle qui offre un accès clair et fiable à la diffusion audio et visuelle en continu et à la capacité de partager des pièces à l’écran, ces audiences ont réduit les temps d’attente pour toutes les personnes concernées.
Un avantage moins connu de la vidéoconférence peut faire une énorme différence dans l’accès du public à la justice – la capacité de diffuser publiquement une vidéoconférence. La Cour suprême du Canada a reconnu ces avantages et a mis en œuvre l’utilisation d’audiences par vidéoconférence pour les mois d’avril et de mai 2020 alors que la pandémie se poursuit. Tout à coup, peu importe la proximité d’Ottawa ou leur mobilité, ils peuvent eux aussi avoir accès aux instances de la Cour suprême. De plus, l’avancement en ligne des tribunaux offre de nombreuses possibilités d’éducation au grand public. Par exemple, des tutoriels en ligne peuvent être produits à faible coût pour le tribunal, ce qui permet de fournir des renseignements faciles à comprendre sur les procédures judiciaires aux personnes qui se représentent elles-mêmes.
Une mise en garde existe dans un système judiciaire en ligne ; l’accès à l’information dans une langue comprise par le grand public. Par conséquent, à moins qu’une loi provinciale ne l’exige, les tribunaux provinciaux ne sont pas tenus de fournir leurs directives en français et en anglais. Par exemple, les directives des tribunaux du Québec ne doivent pas être fournies en anglais parce que la langue de fonctionnement de la province est le français; malgré le fait que ces directives ont une incidence sur de nombreux anglophones. À l’heure actuelle, la plupart des directives des cours provinciales ne sont publiées que dans la langue dominante de la province. Par conséquent, les locuteurs des langues minoritaires sont effectivement exclus, et ils doivent donc traduire les directives eux-mêmes s’ils souhaitent comprendre le contenu dans leur langue. Le choix de la langue appartient à l’orateur lorsqu’ils sont dans les cours fédérales, les cours du Québec et les cours du Nouveau-Brunswick.
De plus, le passage à un système de justice en ligne nécessiterait davantage de communications écrites avec les tribunaux, par exemple, par courriel. Ces communications seraient fournies dans la langue officielle de choix du tribunal, qui n’est pas nécessairement la même que celle de la personne avec qui elles communiquent. Cela pourrait poser un défi pour ceux qui parlent une langue minoritaire dans leur province. Cependant, l’amélioration rapide de la technologie de traduction automatisée pourrait aboutir à un progrès dans la communication, avec la traduction automatisée du texte écrit et de la parole orale ayant lieu en temps réel.
Coauteurs :
Michael N. Bergman, avocat, et Rachel Renaud, étudiante en droit
Bergman & Associés
4 Westmount Square,
Westmount (Québec) H3Z 2S6