Droits humains et accès à l’éducation et à la justice

Texte de l’allocution du professeur Fernand de Varennes, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités, lors du Symposium 2020 Droit et langue française, Collège Massey, 25 septembre 2020.

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Merci Maître Leduc-Gagné. Distingués invités et collègues, mesdames et messieurs. Bonjour tout le monde, des lointains rivages de l’Acadie! Et bien sûr, bonne journée des franco-ontariennes et franco-ontariens!

Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour cette initiative étudiante, et féliciter le Collège Massey et la Faculté de droit de l’Université de Toronto pour l’organisation de ce symposium inaugural sur le droit et la langue française, et de vous remercier ainsi qu’en particulier Nathalie des Rosiers, directrice principale du collège, pour l’aimable invitation et l’honneur de livrer l’allocution liminaire de cette première intitulée « Équité pour les francophones : accès à la justice et à l’éducation. »

J’aurais bien sûr préféré être à Toronto pour revoir plusieurs d’entre vous, Nathalie, Normand Labrie, Mark Power et bien d’autres, mais bon enfin, on n’est pas si mal dans la bulle Atlantique.

Avant de commencer, je ne peux que noter avec intérêt, Maître Leduc-Gagné, que vous maîtrisez une langue des signes. Ça me permet de faire le lien avec la date du 23 septembre, donc avant-hier, qui est la Journée internationale des langues des signes, et que, plus tôt cette semaine, j’ai lancé un appel aux gouvernements nationaux de reconnaître les utilisateurs de langues des signes comme membres de minorités linguistiques.

Mesdames, messieurs.
Ce petit détour grâce aux langues des signes m’ouvre la porte pour insérer le premier élément de mon allocation en trois mouvements : d’abord, puisque je vais aujourd’hui porter mon chapeau de rapporteur de l’ONU et non d’Acadien errant, à l’international la question de l’accès à la justice et à l’éducation s’inscrit d’abord et avant tout dans un cadre plus élargi, une question de droits humains, et, en particulier, du principe d’égalité et de l’interdiction de la discrimination.

Ensuite, ce que ceci peut signifier de manière plus concrète au-delà de conceptualisation théorique tant pour les francophones de par le monde que toute autre minorité linguistique, y compris les autochtones en milieu minoritaire et les minorités linguistiques non-traditionnelles comme les utilisateurs des langues des signes.

Et enfin, je conclurai avec des observations qui dépassent le cadre de l’accès à la justice et à l’éducation car il faut, à mon avis, comprendre que l’état de santé de l’identité, de la langue, et de la culture des francophones et autres en situation minoritaire nécessite une approche plus holistique que l’accès à la justice et à l’éducation. Il faut égalité et non-discrimination dans le domaine des services de santé, d’accès à tous les services publics ainsi que dans le domaine de l’emploi – et même au niveau de la participation et de la représentation politique. Je dois d’ailleurs dire que le mot équité me laisse un peu froid – il est plutôt flou et d’ailleurs peu usité en droit international, alors que dans le domaine des droits humains le principe d’égalité et de non-discrimination sont bien ancrés et répandus.

D’abord donc, qu’avons-nous en tête au niveau mondial lorsqu’on parle d’accès à la justice et à l’éducation pour des minorités linguistiques comme les francophones du Canada, ou les bretons en France, les anglophones au Cameroun, etc., même s’il est vrai que l’évolution des droits linguistiques en ce pays est liée à un contexte socio-politique qui lui est propre, et très peu ou rien du tout à ses obligations internationales ?

Il est vrai que la conceptualisation des droits linguistiques, ou des droits des minorités linguistiques, a connu une évolution tardive et encore relativement peu appréciée à l’international. Nombreux sont ceux qui traditionnellement chez nous, et je veux dire nous aux Nations Unies, ont abordé la question linguistique et des normes en matière de protection des minorités comme d’une catégorie de normes en développement, complètement distincte des droits humains plus traditionnels ou mieux établis.

La position à l’ONU, si je peux simplifier, est devenue de plus en plus claire depuis quelques années, surtout dans le cadre de mon mandat sur les questions relatives aux minorités linguistiques et autres : les droits des minorités, y compris leurs droits linguistiques, sont des droits humains à part entière, ni plus, ni moins, tout comme le sont les droits d’autres groupes comme les migrants, les femmes, les enfants ou les peuples autochtones.

Cette approche aux Nations Unies ne vise pas strictement parlant à protéger la diversité linguistique en tant que telle puisque, dans les documents onusiens des droits humains, ce sont les personnes, les individus qui sont les seuls détenteurs de droit en tant que sujet de protection, et non les communautés minoritaires, quoique ce n’est pas tout à fait la même chose en Europe où il y a des traités comme la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui, elle, est un traité pour la protection de la diversité linguistique. Les personnes avec ce dernier traité ne sont ni sujet ni même directement objet par rapport à ce document. Il semblerait aussi que le concept de minorité nationale puisse ouvrir la porte à la protection des communautés en cause, un peu comme on le prévoit à l’ONU pour les peuples autochtones, quoiqu’il s’agit d’un domaine qui fasse bien loin l’unanimité et demeure un droit en devenir que bien défini ou ancré.

Nous n’avons à l’ONU aucun traité comparable à celui en Europe pour la protection de la diversité linguistique qu’est la Charte, et d’ailleurs nous n’avons toujours pas de traité qui précisent de manière plus large les droits humains des minorités, et en particulier les droits linguistiques.

Néanmoins, et j’insiste sur ce point, puisque les droits des minorités sont des droits humains, ceux-ci émanent non seulement de quelques dispositions précises où on retrouve le mot «minorité». Tous les droits humains susceptibles de protéger les personnes appartenant à une minorité ethniques, religieuses ou linguistiques peuvent se prévaloir de tous les droits humains pertinents dans le domaine de la langue.

Ainsi, dans le domaine linguistique, nous avons la liberté d’expression – qui comprends la langue dans les domaines d’usage privé, le droit à l’égalité sans discrimination fondé sur la langue, l’origine ethnique, etc., ainsi que dans certains contextes le droit à la vie privée, pour ce qui est des noms familiaux et prénoms dans sa propre langue, et même la participation politique et l’utilisation d’une langue minoritaire sans discrimination pour ce qui est du découpage des circonscriptions électorales et le droit de vote.

Ces droits humains sont, dans le cadre de mon mandat pour la protection des minorités, les éléments les plus importants pour la protection des minorités linguistiques – et évidemment des droits humains.

L’approche onusienne n’écarte pas l’importance de la diversité linguistique ou culturelle – la protection des droits humains des minorités peut évidemment souvent contribuer au maintien et à la protection des éléments constitutifs de la réalité de notre diversité humaine, mais il ne fait aucun doute que ce n’est pas là l’objet premiers des droits humains. Pour nous, ce sont les personnes et les communautés auxquelles elles appartiennent qui nous concernent.

Tout ce que je viens de décrire vient d’un ouvrage publié en 2017 à l’ONU, intitulé Droits linguistiques des minorités linguistiques : Guide pratique pour leur mise en œuvre.

Il ne faut toutefois pas se leurrer : bien des gouvernements nationaux s’opposent à ce qu’on parle de minorité – un député belge vient de me dire cette semaine que seul le gouvernement doit avoir la discrétion de déterminer qui est une minorité, et que, pour son pays, seul le gouvernement peut choisir on non d’utiliser une langue quelconque de manière même arbitraire s’il le décide.

Au fond, cette députée suggère plus ou moins explicitement qu’il ne faut pas reconnaître les droits humains des minorités en droit international, quoiqu’il faut tenir compte du contexte social et historique dans certains cas comme dans la détermination de ce qui est juste et proportionnel dans les distinctions pouvant être déraisonnables et donc discriminatoires.

Évidemment, c’est faux d’affirmer que le domaine linguistique est hors de la portée des droits humains et du droit international – les personnes appartenant à une minorité linguistique, religieuse ou ethnique ont bien droit à toute la panoplie des droits humains internationaux.

La position de cette députée belge n’est pas le point de vue qui prévaut maintenant parmi les États-membres des Nations Unies, même si elle n’a pas complètement disparu. Le point de vue qui a maintenant pris forme depuis quelques décennies, est celui signalé dans le guide pratique de 2017 mentionné plus : l’utilisation ou les restrictions ou interdictions d’utilisation d’une langue, y compris une langue minoritaire, tôt, est toujours assujettie au contrôle du pouvoir et des activités de l’État par les obligations internationales que constituent les droits humains.

Qu’est-ce que ça signifie de manière plus concrète pour les francophones de par le monde et toute autre minorité linguistique ?

Permettez-moi de le décrire avec la question de l’accès à l’éducation, mais l’accès à l’éducation dans sa propre langue pour être plus précis.
Les traités onusiens par rapport à la question linguistique dans le domaine de l’éducation sont plutôt muets. C’est plutôt la jurisprudence des différents comités chargés de l’interprétation de ces traités qui ont clarifié plus récemment la portée de certains droits sur cette question, en particulier, mais non exclusivement, l’interdiction de la discrimination.

L’importance du droit à l’égalité sans discrimination dans le domaine de l’éducation, et ici je parle d’enseignement publique, est surtout associée à la notion d’avantage ou si vous préférez de favoritisme : les élèves et étudiants qui ne sont pas enseignés dans leur propre langue peuvent subir un désavantage par rapport aux enfants favorisés par un enseignement dans leur langue. C’est un constat assez commun chez les pédagogues et sociolinguiste, et même d’organisations internationales comme l’UNESCO et la Banque mondiale.

D’ailleurs, cette dernière a conclu ce qui suit dans une étude citée dans le guide pratique de mon mandat, et je cite «Cinquante pour cent d’enfants scolarisés à travers le monde vivent dans des communautés où la langue d’enseignement n’est que rarement, voire jamais employée à la maison. Cette situation met en évidence le plus grand défi de l’Éducation pour tous : un héritage de pratiques non productives qui entraînent de faibles taux d’apprentissage et des taux élevés d’abandon et de redoublement ».

Le guide pratique ajoute que, lorsque la langue maternelle est utilisée comme vecteur d’enseignement pendant au moins 6 à 8 ans, les résultats sont impressionnants : confiance en soi, estime de soi et participation en classe accrue, faibles taux d’abandon, taux élevés de réussite scolaire, durée des études plus élevée, meilleurs résultats aux tests et meilleure alphabétisation et fluidité de la communication des enfants issus des minorités (et peuples autochtones) à la fois dans leur langue maternelle et dans la langue officielle ou la langue dominante.

Permettez-moi de suggérer que la question du droit à l’égalité sans discrimination peut dépasser la question de l’éducation, à proprement parler, et inclut l’accès à la maternelle en français, puisque c’était une question posée par un des intervenants à la première session ce matin. Je vais être très clair là-dessus : dans le contexte canadien, il peut être discriminatoire en droit international de ne pas avoir de maternelles ou des services pour la petite enfance francophone, et c’est un argument juridique qu’on mérite d’explorer et inclure même dans le contexte canadien. C’est une suggestion de ma part, et non une détermination ou une ingérence de ma part dans ce dossier.

Tout ceci peut sembler assez évident pour la plupart de vous ici au Canada, mais laissez-moi vous assurer que ce n’est pas du tout le cas pour plusieurs dans d’autres parties du globe.

La jurisprudence des comités onusiens pour l’interprétation du droit à l’éducation et de la non-discrimination abonde en ce sens depuis 10-20 ans, que dans certains contextes certaines minorités et peuples autochtones ont le droit à un enseignement public, là ou c’est possible, dans leur langue, à tous les niveaux là où c’est justifié, y compris au niveau tertiaire. Le détail dépend toujours du contexte précis, des conditions sur place et du nombre de personnes concernées, entre autres, mais le principe existe.

Le nombre de pays à travers le monde où la question de l’accès à l’éducation dans la langue de l’enfant revient est d’ailleurs surprenant pour les Canadiennes et Canadiens qui croient peut-être que les droits linguistiques est une obsession particulièrement canadienne.

Pas du tout – celle-ci est d’actualité et même source de tension en Lettonie et en Ukraine pour les minorités russophones, en France pour la minorité bretonne, au Cameroun pour la minorité anglophone, en Irlande du Nord avec la minorité irlandaise, en Algérie pour les Amazigh, en Thaïlande pour la minorité malaise, et bien d’autres.

D’ailleurs, la question de l’accès à l’éducation dans sa propre langue, et ça c’est sans même parler d’éducation de qualité égale, est encore bien loin d’être réglée au Canada, comme nous le rappelle l’affaire Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique de la Cour suprême du Canada d’il y a quelques mois, mais il y a aussi la question de l’accès à l’éducation en inuktitut qui, de manière surprenante et contrairement à bien des attentes, ne serait nullement garanti au Nunavut.

Je ne peux en ce moment me prononcer directement et publiquement sur ces dossiers, sauf pour exprimer mes inquiétudes que ce genre de politiques et de restreintes à première vue apparaisse comme des mesures déraisonnables et injustifiées, et donc probablement discriminatoire ou en atteinte au droit à l’éducation tel qu’identifié dans le Guide pratique de mon mandat Droits linguistiques des minorités linguistiques.

La question de l’accès à la justice dans sa propre langue est aussi une question d’avantage ou de désavantage. Le guide pratique de 2017 le reconnaît aussi, en indiquant que toute personne a droit à une protection égale et efficace contre les discriminations fondées sur la langue, et que ceci signifie que les préférences linguistiques qui défavorisent ou excluent déraisonnablement des individus constituent une forme interdite de discrimination, y compris entre langues officielles.

En particulier, compte tenu des désavantages et sérieux risque pour une personne, les autorités doivent respecter et mettre en œuvre le droit à l’égalité et l’interdiction de la discrimination en matière de langue, y compris concernant la langue utilisée pour l’accès à la justice.

Au Canada évidemment, et dans tous les systèmes judiciaires au monde, le principe d’un procès juste et équitable exige la mise en place de certains droits linguistiques. Il est universellement reconnu que, lors d’un procès en droit pénal, l’assistance gratuite d’un interprète doit être offerte à toute personne qui ne comprend pas la langue employée à l’audience. C’est un droit associé de près à la reconnaissance que le recours à une langue qui n’est pas comprise par les intervenants au cours d’un procès peut avoir des conséquences particulièrement fâcheuses. C’est lié évidemment au concept d’un procès équitable bien ancré dans la common law et le droit international où, dans les procédures pénales et similaires, un minimum approprié d’interprétation et de traduction doit toujours être gratuitement mis à la disposition des accusés ou des détenus qui ne comprennent pas la langue utilisée par les autorités judiciaires ou policières, afin qu’ils puissent exercer leur droit à une défense de manière à garantir l’équité de la procédure.

Mais ça ne s’arrête pas là.

Dans les pays ou régions où il y aurait une forte proportion de locuteurs d’une langue minoritaire, le système judiciaire lui-même pourrait devoir garantir l’accès à la justice dans la langue de la population là où c’est possible et appropriée, en tenant compte de facteurs tels qu’en particulier le nombre et la concentration de locuteurs et d’autres éléments. Cette question soulève par rapport aux obligations internationales le droit humain d’égalité sans discrimination, de détermination s’il est juste et raisonnable d’exclure ou de nuire à un tel point aux intérêts et à la défense égale et efficace d’un grand nombre de personnes.

C’est d’ailleurs, comme certains parmi vous le savez, l’une des principales doléances de la minorité anglophone au Cameroun qui clame justement le droit à l’accès à la justice en anglais dans l’Ouest du pays.

L’accès à l’éducation et à la justice dans sa langue n’est pas seulement une question d’équité, c’est aussi et surtout une question d’égalité sans discrimination – du moins pour nous au niveau des droits humains.

C’est aussi au niveau international une voie à explorer dans le fonctionnement même des organisations internationales qui, depuis quelques décennies, se dirigent vers le tout à l’anglais – à l’exclusion et, je dirai, au désavantage des francophones. Par exemple, à peu près 85 % des organisations internationales et régionales ont l’anglais comme langue officielle, et un tiers de celles-ci ont adopté l’anglais comme unique langue officielle. En l’espace de 10 ans seulement, de 1997 à 2006, le français comme langue de rédaction des documents de la Commission européenne est passé d’à peu près 40 % à 15%. Vous pouvez imaginer dans quelle langue sont rédigés presque tous les documents de la Commission, et nous ne sommes guères mieux aux Nations Unies.

Ce n’est qu’une question de temps avant que les francophones dans ces organisations internationales commencent à clamer que ces organisations agissent, elles aussi, de manière discriminatoire – au désavantage et même à l’exclusion des francophones.

Le dernier point pour conclure, c’est que, même dans les pays où une minorité linguistique peut avoir accès à l’éducation et à la justice dans sa langue, ceci ne suffit pas. J’ai vécu et travaillé dans bon nombre de pays comme la Finlande qui est officiellement bilingue depuis plus longtemps que le Canada, en Italie dans le Sud-Tyrol qui a, elle aussi, deux langues officielles, ainsi qu’à Malte, à Hong Kong et en Éthiopie qui ont aussi plus d’une langue officielle.

Ce qui apparaît clairement à mon avis que l’état de santé de toute une communauté linguistique minoritaire, de son identité et de sa culture en plus de sa langue, nécessite une approche plus holistique que seul l’accès à la justice et à l’éducation.

Les communautés les plus vibrantes sont celles où ils peuvent librement et également vivre dans leur langue, surtout sur un territoire où la minorité peut exercer un degré de contrôle réel et approprié.

Il y a des exemples où la maîtrise d’une langue minoritaire est perçue comme un avantage tel au niveau de l’emploi et de l’avancement que les immigrants et autres personnes qui y vivent optent pour que leurs enfants apprennent, principalement ou de plus en plus, dans la langue de la minorité plutôt que celle de la majorité : c’est un phénomène qu’on remarque de plus en plus dans le Sud-Tyrol, en Italie, où les allophones choisissant la langue allemande plutôt que celle de la majorité italianophone est en train d’augmenter, ainsi que dans les îles Aland en Finlande où la langue minoritaire suédoise est largement adoptée même par les immigrants, ce qui est un phénomène qui ne se rencontre pas dans le reste de la Finlande même si c’est un pays officiellement bilingue depuis son indépendance au début du 20e siècle.

L’épanouissement des communautés linguistiques ne peut se faire si on n’arrive pas à une égalité réelle sans discrimination dans les domaines des services de santé, d’accès à tous les services publics ainsi que dans le domaine de l’emploi – et même au niveau de la participation et de la représentation politique.

Les pressions d’assimilation seront toujours très, même trop fortes, si les minorités sentent qu’elles sont défavorisées ou ne peuvent avoir un accès égal à l’emploi et aux services publics – et, malheureusement, c’est trop souvent vrai à travers le monde où les francophones et autres sont minoritaires.

J’ai noté avec intérêt le résultat des élections provinciales du Nouveau-Brunswick où le gouvernement Higgs a pu être réélu avec un seul député acadien, et ce, malgré que les francophones représentent près du tiers de la population de la province.

Le résultat de ces élections – et il ne s’agit aucunement d’une prise de position partisane de ma part, mais uniquement une observation, signale encore une fois à mon avis la fragilité des communautés minoritaires qui risquent toujours de tomber, comme l’a si bien dit de Tocqueville, sous la tyrannie de la majorité.

Bon, c’est vrai qu’on n‘est pas dans la tyrannie, mais le danger dont nous avertit de Tocqueville est toujours présent, et c’est que les intérêts des minorités risquent toujours d’être oubliés ou même écartés dans un système politique purement majoritaire.

Et le régime international des droits humains cherche en quelque sorte à éviter les pires dérapages, les pires abus qui font fi de la réalité humaine, que nous sommes des personnes et des communautés avec des traits, des identités et des intérêts différents mais égaux en droit et en dignité, et que, dans certaines situations, cela signifie que l’état doit représenter, accepter, refléter et accommoder ces différences plutôt que les ignorer et même les interdire.

Bien que de nombreuses protections juridiques soient en place au Canada comme ailleurs, des obstacles et des difficultés se posent souvent dans la pratique et la mise en œuvre. Dans certains pays et pour certaines minorités, les droits humains offrent une piste de solution alors qu’il n’en existerait autrement pas politiquement. D’ailleurs, les utilisateurs des langues des signes ont de plus en plus invoqué avec succès l’obligation des autorités publiques d’utiliser leurs langues afin de ne pas les exclure, en éducation comme dans d’autres domaines, et ainsi agir de façon discriminatoire.

Ce n’est pas une solution en soi, mais c’est une piste, un outil de protection à envisager pour les francophones auprès des organisations internationales et autres minorités auprès de leurs gouvernements là où n’existe pas la volonté politique d’en arriver à un compromis et un dialogue sur l’utilisation de langues minoritaires pour assurer un accès qui respecte, dans la mesure du possible, les intérêts des minorités linguistiques dans un sentiment de justice et d’égalité sans discrimination.

Vous voyez, il y a encore bien de questions juridiques importantes auxquels sont confrontés les francophones et minorités linguistiques de par le monde – et des questions qui mettent en cause, comme le dit si bien le premier paragraphe préambulaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que la « reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »

Mesdames, messieurs
Ce fut un plaisir et un privilège pour moi de me joindre à vos discussions sur l’importance de l’accès à la justice et de l’éducation du point de vue mondial sur ces questions d’actualité. J’ai aussi hâte de me joindre au cocktail virtuel, quoique je ne suis pas sûr d’avoir bien compris comment ça fonctionne. On verra bien.

Merci, Bonnes délibérations, et bonne journée.