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Le refus de constitutionnaliser les droits des Franco-Ontariens contribue aux relations difficiles entre Francophones et Anglophones

Extrait du mémoire présenté le 25 février 1991 par Maître Ryan Paquette, président de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario (AJEFO), au Comité spécial sur l'Ontario au sein de la Confédération.
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La question des relations entre les francophones et les anglophones demeurent l'une des composantes fondamentales de la problématique constitutionnelle canadienne. À cet égard, notre Association souhaite suggérer deux facteurs à la réflexion du Comité. En premier lieu, le contexte, longtemps difficile et ingrat, dans lequel le fait français a dû évoluer dans les milieux où il était minoritaire, notamment en Ontario, connaît maintenant un virage qui lui permet de consolider son existence et de se doter des institutions francophones qui sont nécessaires à son épanouissement. À titre d'exemple, dans le domaine juridique, plusieurs développements récents permettent de dire de plus en plus qu'en Ontario, la Justice parle français. Depuis 1984, le français, comme l'anglais, est langue officielle des tribunaux judiciaires de l'Ontario. Depuis 1989, la Loi de 1986 sur les services en français rend possible toute une gamme de transactions juridiques en français. De plus, la société francophone de l'Ontario se donne dans le monde juridique des institutions, tels l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario et le Programme de common law en français à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, afin d'assurer une justice en français de qualité aux justiciables francophones de l'Ontario et d'ailleurs, et aussi de remédier à la sous-représentation très importante des francophones au sein de la profession juridique de l'Ontario. Les francophones de l'Ontario méritent de figurer à l'ordre du jour des travaux du Comité, non seulement à cause de facteurs historiques, démographiques, familiaux, politiques et culturels, mais également en raison de leurs réalisations et de leur contribution présente et à venir à la société ontarienne dans son ensemble.

En second lieu, nous croyons important, en tant qu'organisme oeuvrant principalement en Ontario, de rappeler les liens historiques, géographiques, économiques et personnels qui existent entre le Québec et l'Ontario. En effet, depuis l'arrivée des Européens dans cette partie de l'Amérique de Nord, et dès l'époque du Régime français, ce qu'il est convenu d'appeler l'empire du Saint-Laurent et des Grands-Lacs constitue un ensemble économique considérablement intégré et contribuant à la prospérité respective de ses deux composantes, le Québec et l'Ontario. De plus, la présence d'une minorité francophone importante en Ontario et d'une minorité anglophone importante au Québec démontre clairement l'existence de liens socio-culturels profonds entre ces deux entités et la complémentarité entre les deux, à certains égards significatifs. L'Association des juristes, qui comprend en son sein une minorité de membres anglophones bilingues fortement intéressés à la prospérité de la francophonie ontarienne, constitue un exemple éloquent de la collaboration possible. Quelque soit l'issue du débat constitutionnel actuel, au Québec, en Ontario et dans l'ensemble du Canada, ces données demeureront.

À notre avis, il faut rejeter l'argument voulant que le Québec doive continuer à faire partie du Canada afin de pouvoir défendre les minorités francophones hors Québec. Nous sommes Ontariens et francophones ; nous ne sommes pas Québécois. Le devoir de protéger nos droits constitutionnels et linguistiques n'appartient qu'à notre propre gouvernement et non pas à celui de la province voisine.

L'éventualité d'un Canada sans le Québec en est une que les Francophones de l'Ontario doivent maintenant envisager avec réalisme. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'une telle situation serait peu propice à la promotion du bilinguisme en Ontario et au Canada. Plusieurs francophones de l'Ontario s'interrogeront sur leur avenir dans cette province et regarderont avec anxiété les événements des mois suivant un retrait éventuel du Québec.

Il ne faut pas se leurrer : les droits des francophones de l'Ontario sont excessivement fragiles. Absentes la Loi de 1986 sur les services en français, de même que quelques dispositions de la Loi sur l'éducation et de la Loi de 1984 sur les tribunaux judiciaires, les francophones de l'Ontario n'auraient pas grand-chose à espérer de leur gouvernement provincial. Nous sommes conscients de la précarité de nos droits et c'est pourquoi les événements qui suivraient la séparation éventuelle du Québec seront si importants.

Il est indispensable de prouver dès maintenant qu'il restera une place en Ontario pour les francophones, quoiqu'il arrive quant à l'avenir du Québec. Il n'existe pas d'autre moyen de le faire que de confirmer leurs droits linguistiques par voie constitutionnelle. Nous croyons que l'étapisme adopté par l'Ontario pour améliorer la situation des francophones a produit plusieurs fruits, mais cette récolte se trouve sérieusement menacée si elle n'est pas explicitement protégée dans la loi fondamentale du pays. Il est même permis de croire que le refus obstiné de l'Ontario de constitutionnaliser les droits de ses francophones contribue de façon significative et depuis longtemps aux relations difficiles entre francophones et anglophones à l'échelle du Canada tout entier. L'Ontario doit maintenant prêcher par l'exemple, demander une modification aux Lois constitutionnelles afin d'adhérer aux articles 16 à 20 de la Charte des droits et libertés et enfin donner aux francophones de l'Ontario les mêmes droits que les Anglo-Québécois ont en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, que les Franco-Manitobains se sont enfin vu confirmés en vertu de l'article 23 de la Loi de 1870 sur Manitoba et que les Acadiens du Nouveau-Brunswick ont en vertu des articles 16 à 20 de la Loi constitutionnelle de 1982. Une telle modification ne s'appliquerait qu'à l'Ontario et n'exigerait que le consentement de l'Assemblée législative de l'Ontario, de la Chambre des communes et du Sénat, comme le prescrit l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s'agit d'un des principes fondamentaux de l'AJEFO. En effet, quatre résolutions à cet effet ont été adoptées depuis 1980 par l'assemblée générale annuelle de ses membres. Il importe que cette modification soit faite dans les meilleurs délais. La situation actuelle est grave, et une attitude timide de la part de l'Ontario contribuera indubitablement à accroître les difficultés.

CONCLUSION

Nous vivons un moment difficile dans la vie de l'Ontario et du Canada. L'hypothèse de la séparation du Québec ne peut être exclue. Il convient dès maintenant de rassurer les francophones de l'Ontario sur leur place dans un nouveau Canada, en garantissant par voie constitutionnelle leurs droits linguistiques encore trop fragiles. L'adoption immédiate par l'Ontario des articles 16 à 20 de la Loi constitutionnelle de 1982 est le meilleur moyen de garantir ces droits. Cette démarche historique servirait à enchâsser dans la constitution les mesures prises pour améliorer la situation de la société francophone en Ontario. Le gouvernement fédéral a pris des mesures dans les secteurs de sa compétence pour faire du français et de l'anglais les deux langues officielles du Canada. De grands progrès ont été accomplis en Ontario. Il reste maintenant à cette province à faire preuve de leadership et à exercer sa compétence pour faire du français et de l'anglais les deux langues officielles de l'Ontario.
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  • Catégorie : Justice



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Modification : 2012-07-05