Je suis une résidente de Airdrie (Alberta). J'ai pris connaissance avec intérêt de la transcription de l'audience du 28 juin 2007 dans le dossier Gilles Caron c. Commissaire en chef de la Commission albertaine des droits de la personne et de la citoyenneté et la ville d'Edmonton. Je constate que, lorsque j'ai tenté d'exercer mon droit d'employer le français, mon expérience a été bien différente de celle de Gilles Caron. Voici un résumé de ce qui s'est passé.
Le 27 mai 2008, mon ex conjoint a obtenu sans préavis une ordonnance intérimaire au sujet de la garde de notre enfant. Une audience en Cour provinciale de l'Alberta, à Calgary, était prévue pour le 4 juin 2008. J'ai téléphoné à mon conseiller juridique qui m'a informé que la loi albertaine permettait à toutes les personnes d'employer le français ou l'anglais dans les communications verbales dans les procédures devant les tribunaux et, que puisque toutes les personnes impliquées dans ma cause étaient de langue française, l'idéal serait de faire reporter l'audience du 4 juin 2008 afin qu'elle soit entendue par un juge assigné aux causes francophones.
Le 30 mai 2008, mon conseiller juridique a téléphoné à madame Viola Llewellyn, administratrice de la Cour, et lui a écrit une lettre afin de connaître les dates de disponibilité des deux juges bilingues aptes à présider en français une conférence de règlement judiciaire du différend. La même journée, mon conseiller juridique a écrit à mon ex conjoint une lettre afin d'obtenir son consentement au report de l'audience du 4 juin 2008 pour que le dossier soit entendu devant un juge assigné aux causes francophones à une date acceptable par les deux parties.
Mon ex conjoint ayant retenu les services d'une avocate, mon conseiller juridique a téléphoné à Maître Suzanne Parkinson le 2 juin 2008 et lui a écrit une lettre au sujet du report de l'audience du 4 juin 2008 pour que le dossier soit entendu devant un juge assigné aux causes francophones à une date acceptable par les deux parties. Le 3 juin 2008, mon conseiller juridique a reçu de madame Viola Llewellyn un courriel confirmant que le juge Tousignant avait accepté de présider une conférence de règlement judiciaire du différend le 24 juin 2008. Le 4 juin 2008, le dossier fut ajourné au 24 juin 2008 afin d'être entendu par le juge en chef adjoint de la Cour provinciale de l'Alberta, l'honorable Victor Tousignant.
Le 18 juin 2008, mon conseiller juridique a téléphoné à la conseillère judiciaire Jami Felesky pour s'assurer qu'un service d'interprétation soit mis à la disposition de l'avocate de mon ex conjoint lors de la conférence du 24 juin 2008. La conseillère judiciaire l'a informé que la partie ayant besoin d'un tel service devait communiquer avec le bureau du greffier de la Cour. Le 18 juin 2008, mon conseiller juridique a téléphoné à Maître Suzanne Parkinson et lui a écrit une lettre afin de l'inviter à communiquer avec le bureau du greffier au sujet de la nécessité d'avoir pour elle un service d'interprétation.
Le 20 juin 2008, mon conseilla juridique a reçu de Maître Parkinson le courriel indiquant qu'elle n'a pas été en mesure de communiquer avec une personne pour faire des arrangements pour la traduction et que son client était prêt à procéder en anglais. Le 23 juin 2008, mon conseiller juridique a reçu de l'adjointe de Maître Parkinson un courriel indiquant que le greffier de la Cour avait indiqué qu'il ne réquisitionnait pas d'interprète à moins d'une ordonnance de la Cour, que la partie qui avait besoin d'un interprète devait retenir les services de celui-ci et le payer, qu'elle n'était pas disposée à retenir les services d'un interprète puisque son client ne voulait pas payer pour un tel service et qu'elle allait procéder en anglais à l'audience du lendemain.
Le 23 juin 2008, mon conseiller juridique a écrit à l'adjointe de Maître Parkinson une lettre pour l'informer qu'il transférait son courriel à l'adjointe du juge Tousignant dans l'espoir qu'il puisse accommoder les deux parties en ordonnant au greffier de prévoir un service d'interprétation pour le lendemain. La même journée, mon conseiller juridique a écrit au juge Tousignant une lettre pour l'inviter à ordonner au greffier de prévoir un service d'interprétation pour le lendemain et a envoyé à l'adjointe du juge Tousignant un courriel afin d'informer celle-ci de la teneur des documents envoyés au juge Tousignant. Le 23 juin 2008, mon conseiller juridique a reçu de l'adjointe du juge Tousignant un courriel qui indique que la Cour ne fournit pas d'interprète dans les dossiers de droit de la famille et que la conférence procédera en anglais. La même journée, mon conseiller juridique a envoyé à l'adjointe du juge Tousignant un courriel où il rappelle que, le 4 juin 2008, le dossier a été ajourné pour être devant un juge d'expression française et que, si la conférence allait être seulement en anglais, cela signifiait que le dossier aurait dû procéder en anglais le 4 juin 2008 et que les deux parties ont perdu du temps précieux.
Lors de la conférence du 24 juin 2008, mon conseiller juridique a tout juste eu le temps de dire « Bonjour, monsieur le juge », que celui-ci, constatant l'absence d'un interprète, indiqua que la conférence allait procéder en anglais. L'impossibilité d'utiliser à la conférence du 24 juin 2008 le français ou les deux langues démontre qu'il aurait été préférable pour moi de procéder en anglais le 4 juin 2008. En tentant d'exercer le droit prévu à l'article 4 de la Loi linguistique, j'ai été pénalisée en temps et en argent.
À mon avis, il s'agit là d'un bon exemple expliquant pourquoi à peu près pas de francophones réussissent à exercer leur droit d'utiliser leur langue devant nos tribunaux : le nombre d'obstacles à franchir a de quoi décourager les plus convaincus des francophones et des francophiles. Je déplore le fait que le site Internet du ministère de la Justice de l'Alberta ne diffuse aucune information en langue française. Je déplore également le fait que le site Internet de Justice Alberta ne diffuse aucune information sur le droit des Albertains d'employer le français ou l'anglais dans les procédures civiles devant les tribunaux de notre province. Je déplore enfin le fait que Justice Alberta ne publie aucun document au sujet de l'exercice des droits linguistiques dans les causes civiles devant les tribunaux albertains.
Pour changer cette situation, je vous invite à appuyer le Fonds d'accès à la justice en français.
Courriel : AnnieCadoret@hotmail.com
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