Notes de Maître Josée Bouchard, conseillère principale en faveur de l'équité, Barreau du Haut-Canada, pour son allocution lors du colloque sur le statut du français dans la réglementation de la profession juridique, Université d'Ottawa, 25 mai 2012.
Introduction
Je vous remercie de m'avoir invitée à participer au Colloque sur le statut du français dans la réglementation de la profession juridique. Vous m'avez demandé de parler plus précisément du processus d'accès à la profession. Ma présentation touchera au processus d'accès, mais j'aimerais aussi prendre une approche contextuelle et aborder les sujets suivant :
1. Premièrement, je dresserai la toile de fond de la profession et de la communauté en Ontario.
2. Deuxièmement, je ferai un survol historique du statut du français au Barreau en me concentrant sur l'impact qu'a eu le Trésorier Pierre Genest sur l'évolution des droits linguistiques.
3. Troisièmement, j'aborderai le thème du statut du français au Barreau en parlant de l'intégration opérationnelle des services en français, par exemples dans la politique sur les services en français, les services à la clientèle (1) , les services aux membres (2) et les communications du Barreau.
4. Quatrièmement, je parlerai de l'élaboration des politiques en français, comme par exemple les règlements administratifs, le commentaire aux règles du Code de déontologie et le guide sur les services à la clientèle.
La toile de fond
Avant de parler du Barreau, il est utile de comparer la proportion de juristes en mesure d'offrir les services en français avec la proportion de francophones en Ontario. Les francophones en Ontario, d'après le recensement Canada 2006, compte pour 4.8 % de la population ontarienne. Les avocats et avocates s'identifiant comme francophones sont à 6 % de la profession juridique, ceux et celles disant pouvoir offrir des avis juridiques en français sont à 13 % et ceux et celles pouvant offrir des avis juridiques et représenter les clients en français sont à 9 %. Cette représentation de juristes francophones ou en mesure d'offrir les services en français est en grande partie en raison des programmes de Common Law en français de l'Université d'Ottawa et de l'Université de Moncton. Ces programmes sont en place depuis la fin des années '70 et ont contribué grandement à l'évolution des services juridiques en français en Ontario et des ressources disponibles pour desservir la communauté francophone.
Survol historique
Lorsque nous parlons des services en français offerts par le Barreau du Haut-Canada, il est important de se rappeler que nous n'avons eu qu'un Trésorier francophone dans l'histoire du Barreau, Maître Pierre Genest. Maître Genest a été conseiller de 1979 à 1985 et Trésorier de 1985 et 1986. Et il a laissé sa marque. (Note que le Barreau vient tout juste d'élire un Trésorier bilingue, Maître Thomas Conway, d'Ottawa, qui entre en fonction au mois de juin 2012).
Maître Genest est responsable de la francisation du nom du Barreau en faisant pression pour que le nom du Barreau soit traduit. En 1980, le Conseil a adopté le nom « Société du Barreau du Haut Canada» comme traduction de son nom anglais. Ce nom est devenu « Le Barreau du Haut-Canada » en 1991 suite aux demandes des juristes francophones.
Maître Genest était aussi conseiller lorsque l'on revendiquait les cours d'admission en français. En 1982, l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario (l'AJEFO) faisait des représentations auprès du Barreau pour la traduction des documents pour le Cours d'admission. Le Barreau a créé un groupe de travail avec l'AJEFO pour développer des recommandations pour offrir le Cours d'accès en français, surtout au niveau pénal. En 1983, le Conseil adoptait la résolution voulant que le cours de procédure pénale du Barreau soit offert en français. Et ceci représente les débuts du processus d'accès à la profession en français.
Et d'autres services ont commencé à s'offrir en français, en grande partie grâce à la contribution de l'AJEFO et des étudiants et étudiantes du Programme de Common Law en français de l'Université d'Ottawa: le serment d'allégeance est traduit en français, à la demande des étudiantes et étudiants; l'AJEFO demande que les formulaires d'inscription au programme Assistance avocats soient disponibles en français et l'AJEFO offre de la formation professionnelle en français en partenariat avec le Barreau. À ce jour, le Barreau travaille étroitement avec l'AJEFO pour promouvoir les services en français.
Politique sur les services en français
Le Barreau adopte en 1989 sa politique sur les services en français, en collaboration avec l'AJEFO. La politique porte sur les communications avec les membres et le public, le processus d'accès à la profession, et les programmes en français. Le Barreau, en consultation avec l'AJEFO, est à mettre à jour la politique.
Services à la clientèle
Le Barreau est fier d'avoir la capacité d'offrir les services à la clientèle dans les deux langues officielles. Le Barreau compte près de 500 postes en tout et environ 11% de ces postes sont occupés par des employés et employées en mesure d'offrir les services en français. En plus, en février 2012, le Barreau a nommé un Directeur général bilingue, Maître Robert Lapper.
La capacité d'offrir les services en français se trouve dans les services suivants : le Centre d'appel du service à la clientèle, le Programme d'Assistance-avocats, le Service d'aide aux juristes, la Division de la réglementation (plaintes, résolution des plaintes, les enquêtes et la discipline), le Service du perfectionnement professionnel (registraire, programme de stage, formation professionnelle continue), la Division des politiques, des tribunaux et de l'équité, le Service des communications, la réception du Barreau et la Haute-direction.
De janvier 2011 jusqu'au 2 juin 2011 – la période moyenne (en minutes) de réponse à la clientèle par téléphone en français et en anglais est indiquée dans le tableau que vous pouvez télécharger au bas de cette page.
Dans le cadre des programmes d'éducation publique pour le public et la profession, des célébrations sont habituellement organisées dans le cadre de la journée de la francophonie en partenariat avec l'Association du Barreau de l'Ontario et de l'AJEFO.
Dans la mesure du possible, les communications du Barreau pour les membres et le public sont bilingues. Par exemple, les dépliants du Barreau (décrivant par exemple le processus de plaintes, les programmes en équité) sont bilingues ainsi que le Rapport annuel. Les visites guidées de l'édifice se font en français et en anglais, la curatrice est francophone et il y a un enregistrement audio en français. Les panneaux de direction sont bilingues. Les services dans la salle à manger sont offerts en français et en anglais.
Programme d'accès à la profession
Le Programme d'accès à la profession est entièrement en français (2 examens – avocat(e) plaidant(e) et procureur(e)). Tous les textes de référence sont en français. Le Cours de responsabilité professionnelle et de pratique en ligne est offert en français.
Le nouveau Programme d'accès à la profession a été mis en place en 2006. Nous avons dû identifier, dans le cadre du développement des examens, les compétences essentielles des avocates et avocats. Ce développement de compétences se fait par des groupes de juristes experts plaidants et procureurs. Nous avons des avocats et avocates experts francophones qui participent aux groupes d'avocats plaidants et procureurs.
De plus, chaque question d'examen est traduite par des traducteurs experts. La révision de la traduction est faite en équipe par notre traductrice interne qui est au Barreau depuis plus de 10 ans et un avocat ou une avocate. Plusieurs membres de l'AJEFO participent à ce processus, incluant Maîtres Daniel Boivin, Suzanna Lobo, Danielle Manton, Daniel Bourque et Sonia Ouellet. Les textes de référence passent aussi par un processus semblable à chaque année.
Formation professionnelle continue (FPC)
Afin de s'assurer que tous les avocats et avocates, incluant les juristes francophones et les juristes en région aient accès à la FPC, le Barreau a adopté une gamme d'activités éducatives admissibles, y compris la participation à des programmes de FPC en français ou en anglais, l'inscription à un programme collégial, universitaire ou d'autres établissements éducatifs désignés, y compris l'éducation interactive à distance, l'enseignement, être responsable de stage ou mentor, la rédaction ou révision de livres ou d'articles, la participation à un groupe d'étude qui compte au moins deux collègues, la formation ayant trait aux réunions d'associations juridiques. En avril 2012, le Barreau a modifié ces exigences afin de prendre en compte deux nouveaux types d'activités admissibles. Visionner les programmes archivés ou enregistrés de FPC sans collègue et participer à des cours asynchrones en ligne qui posent des questions pendant le processus d'apprentissage sont maintenant des activités admissibles jusqu'à 6 heures de FPC par année.
Les heures ne sont pas limitées aux sujets qui traitent principalement des lois de l'Ontario ou des lois canadiennes. Les sujets liés aux lois des autres provinces et autres pays et les sujets non juridiques seront admissibles s'ils sont pertinents à la pratique et au perfectionnement professionnel.
Le Barreau, en partenariat avec l'AJEFO et le Comité des langues officielles de l'ABO, offrira un programme en français gratuit et accrédité pour des heures de professionnalisme cet automne. Ce programme sera offert en personne et en ligne (pour permettre la participation des juristes hors de Toronto). Le programme portera sur les droits linguistiques. Nous espérons que ce programme sera un succès et mènera à d'autres programmations en français.
Information et communications
Dans la mesure du possible, et lorsqu'un juriste le demande, les communications se font en français et en anglais. Le Barreau a établi un réseau de portail des membres. À l'inscription au portail, le membre peut décider de recevoir les communications du Barreau en français.
Les annonces à la profession se font en français et en anglais, par exemple, les communications lors de l'élection des conseillers et conseillères. La Déclaration annuelle des avocats et des avocates est disponible en français et en anglais. Le site Internet contient beaucoup d'information en français et nous en continuons le développement. Nous publions aussi le rapport annuel du Barreau en français et en anglais. Les règlements administratifs sont adoptés et publiés en français et en anglais.
Développement de politiques
Le Barreau développe des politiques pour tenir compte des besoins de la communauté ontarienne et juridique francophone. Le Comité sur l'équité et les affaires autochtones est un comité permanent du Barreau qui a pour mandat de considérer les questions de droit linguistique. L'AJEFO siège comme membre non votant à ce Comité. Le Comité bénéficie grandement de la perspective de l'AJEFO.
L'AJEFO siège aussi au Groupe consultatif en matière d'équité, un groupe d'expert qui offre des conseils au Comité sur l'équité. En juin 2001, grâce aux revendications de l'AJEFO, le Barreau a modifié la règle 1 du Code de déontologie pour y ajouter que l'avocat doit, s'il y a lieu, informer son client de son droit à l'emploi du français dans le traitement de son dossier.
Le Comité et le Groupe consultatif, en partenariat avec l'AJEFO et avec l'assistance de plusieurs juristes francophones, ont publié le guide « Informer les clients et les clientes de leur droit à l'emploi du français dans un contexte judiciaire et quasi judiciaire » (3).
Conclusion
Les progrès que le Barreau a faits en ce qui a trait aux services en français depuis l'ascension du Conseiller Pierre Genest au poste de Trésorier sont remarquables. Et le Barreau continue son engagement dans ce domaine. Avec un Trésorier et un Directeur général bilingue, son engagement est d'autant plus visible. Il y a toujours des progrès à faire, et nous sommes fiers de travailler en collaboration avec l'AJEFO, le Comité des langues officielles de l'ABO et le Programme français de Common Law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa sur cet important dossier.
Je vous félicite d'avoir organisé un Colloque des plus intéressants.
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(1) Le personnel, les réponses aux appels, les dépliants et rapports annuels, les visites guidées de l'édifice, les panneaux de direction et le site Internet.
(2) Programme d'accès à la profession et formation professionnelle continue (FPC)
(3) Disponible en ligne rc.lsuc.on.ca/pdf/equity/advisingClientJudicialContext_fr.pdf
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