Entrevue menée le 21 septembre 2015 par Maître Josée Bouchard dans le cadre d'une célébration du Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Madame la juge Julie Thorburn répond aux questions sur le rapport Améliorer l'accès à la justice en français.
QUESTION #1 : Nos participants sont engagés dans le fait francophone, surtout dans le domaine de la justice. C'est un rapport de près de 200 pages. Pourriez-vous nous en donner les faits saillants? Dans quels domaines avons-nous fait le plus de progrès?
Pour vous donner un peu de contexte, le droit d'accès aux tribunaux de l'Ontario en français est énoncé à:
a) l'article 530 du Code criminel (le droit de l'accusé à une instance pénale en français);
b) l'article 126 de la Loi des tribunaux judiciaires (le droit d'une partie à une instance civile bilingue); et
c) l'article 5 de la Loi des services en français (confère et confirme le statut officiel de la langue française dans le système de justice de l'Ontario.)
Dans le premier rapport Accès à la justice en français, le Comité consultatif a conclu (entre autre) que:
1. Ce n'est pas facile d'obtenir des services uniformes et facilement accessibles en français.
2. Les procédures en français sont souvent plus difficiles, long et coûteux que les procès en anglais.
3. Les aptitudes linguistiques, le nombre, et le placement des juges et juges de paix bilingues ne sont pas nécessairement déterminés en fonction du besoin d'assurer un accès à la justice pour les francophones.
4. La magistrature n'a pas toujours les capacités et n'est pas toujours suffisamment informée des droits linguistiques des francophones.
5. Les avocats et d'autres personnes dans le système ne sont pas toujours au courant des droits des services en français; et
6. L'accès à la justice pour la collectivité francophone doit se fondre sur la notion d'offre active.
Le Procureur général a créé un Comité de mise en œuvre pour examiner les recommandations et pour mettre en place des changements concrets selon les recommandations dans le rapport. Je suis co-présidente de ce Comité avec Maître Elizabeth Bucci.
Le Comité a regardé les groupes qui desservent ceux qui veulent procéder en français dans le système juridique y compris :
• Les employés du ministère;
• L'Office des affaires francophones de l'Ontario;
• Les juges;
• Les avocats; et
• Les membres de la communauté comme, par exemple, les policiers, l'aide juridique etc.
Les démarches accomplies :
En grandes lignes, les aspects les plus importants comprennent l'établissement d'une :
1. meilleure communication parmi les groupes,
2. la coordination efficace des services,
3. la centralisation des ressources pour ceux qui travaillent en français et pour ceux qui ont droit aux services en français,
4. développement d'un plan stratégique pour l'éducation et l'entrainement pour ceux qui offrent les services en français et ceux qui pourrait offrir des services en français; et
5. la création d'un projet pilote pour vérifier la mise en œuvre et si les changements sont suffisants.
La magistrature
Pour ce qui ait des juges, nous avons maintenant:
• Éducation périodique de tous les juges sur les droits linguistiques pour s'assurer qu'ils sont au courant des droits linguistiques et le communiquent aux membres du publique et leurs avocats;
• Entrainement des juges francophones;
• La liste des ressources affichée sur le site Web de la bibliothèque des juges a été envoyée à tous les juges bilingues de la CSJ et de la CJO (Site web : dictionnaire, traductions, lexique, rédaction, jurisprudence, lois, droits linguistique, précédents, directives.
• Système de mentorat pour les juges francophones;
• Rencontres 2 fois par année pour assurer la communication parmi eux des problèmes communs;
• Les juges en chef ont nommé des juges et des juges de paix responsables des SEF régionaux qui offrent une assistance et un soutien en matière de droits linguistiques à leurs collègues respectifs;
• Coordination parmi les 8 régions de la cour et les niveaux de cour pour minimiser et surveiller les problèmes.
Pour ce qui ait des employés du ministère, les priorités sont d'avoir:
• un nombre suffisant de personnes bilingues au comptoir (pour aviser les gens de leurs droits) et dans les salles de cour;
• entrainement de tous les employés sur l'importance des droits linguistiques et de le communiquer aux membres du publique dès le début de leur communication;
• de s'assurer que ceux qui desservent la communauté francophone ont un français de haut niveau; et
• ressources adéquates pour offrir l'entrainement, la communication et la coordination de ces services.
Le ministère – la Division des services aux tribunaux (DST)
• Le Programme des bénévoles dans la région d'Ottawa met à la disposition du personnel judiciaire une liste d'employés bilingues bénévoles qui peuvent appuyer les clients francophones à distance dans les régions qui ne sont présentement pas désignées.
• Une coordonnatrice bilingue des SEF a été nommée.
• accès facile aux renseignements et aux ressources sur les SEF.
• formation de sensibilisation aux SEF (y compris une formation sur l'offre active) au printemps 2014
Le ministère – la Division du droit criminel (DDC)
• La DDC ont offert une formation d'une semaine, à 125 employés du secteur de la justice (y compris des procureurs de la Couronne, des employés de la DST et de la DSVPV, des avocats de service d'AJO et des agents de la PPO).
• La DDC donne un cours de plaidoirie en français à l'École d'été des poursuivants et un cours complètement nouveau a été conçu et présenté aux procureurs de la Couronne d'expression française de l'ensemble de la province, du service des poursuites fédérales et d'autres provinces à l'École d'été des poursuivants.
• Les procureurs de la Couronne se rendront disponibles pour les enquêtes sur le cautionnement en français pour la durée du Projet pilote.
Le ministère – la Division des services aux victimes et aux personnes vulnérables (DSVPV)
• une séance de sensibilisation aux SEF à 85 employés régionaux du BTCP;
• une offre active de SEF en envoyant ses lettres d'introduction à tous ses clients dans les deux langues;
• Le système VISiON du PAVT crée des lettres standard automatiquement en français partout dans la province et enregistre la langue de service préférée des clients;
• Création d'un bassin plus vaste de candidats d'expression française pour les postes bilingues.
La Police provinciale de l'Ontario (PPO)
• Les agents unilingues de PPO utilisent régulièrement une carte sur l'« offre active » pour aider les membres du public qui désirent accéder à des services en français.
L'Office des affaires francophones (OAF)
• L'OAF a préparé des « Lignes directrices concernant l'offre active de services en français dans la fonction publique de l'Ontario »
Autres
• Aide juridique Ontario (AJO) embauche entre 30 et 40 étudiants par année pour des postes bilingues.
• AJO offre des stages aux étudiants du Programme de pratique du droit à l'Université d'Ottawa.
• AJO finance un projet de stages pour les parajuristes qui permet à trois cliniques d'embaucher des candidats bilingues.
• AJO a élaboré une stratégie de mentorat pour ses avocats internes et les avocats du secteur privé en 2014.
• L'ABO, le Barreau et l'AJEFO offrent de la formation professionnelle continue et des événements en français en personne et en ligne.
• L'AJEFO s'est associée au ministère fédéral de la Justice pour lancer son site Web JURISOURCE en mars 2013.
• L'AJEFO a lancé son Centre d'information juridique d'Ottawa qui fournit des services d'information juridique et d'orientation gratuits en français.
Pour ce qui ait des avocats, les priorités sont la coordination et centralisation des services parmi les associations.
Publique:
Formulaires, dépliants, affiches et gens aux comptoirs pour encourager l'offre active.
QUESTION #2 : Le projet pilote d'Ottawa pour un accès fluide aux services en français est très intéressant et, on espère, sera le modèle pour les autres cours de justice en Ontario. Pourriez-vous nous donner vos impressions de ce projet? Quelles sont les mesures que le Palais de justice a prises en main pour améliorer les services en français ?
Le projet pilote est fondé sur le concept de l'offre active et fera en sorte que les francophones reçoivent des services et un soutien appropriés du moment où ils entrent dans le palais de justice jusqu'à la fin de leur procès.
Le projet pilote nous permettra:
d'identifier les meilleures pratiques et des procédures appropriées;
d'assurer la disponibilité de renseignements sur les services en français;
de sensibiliser et de renforcer pour le personnel judiciaire les droits des services en français;
faire le suivi approprié des instances bilingues de sorte à assurer le personnel bilingue quand il faut; et
de poursuivre et résoudre les défis dans un lieu fixe.
Le Projet pilote sera d'une durée d'au moins un an à Ottawa en vue de cerner les meilleures pratiques.
Ottawa a été choisi car il y a une population francophone à forte densité et suffisamment de personnel bilingue existant pour assurer la prestation de SEF homogènes.
Dès le moment où ils entrent en contact, les plaideurs seront mis au courant de leur droit de recevoir des services en français. Ils recevront également des services continus et de soutien en français comme leur affaire progresse à travers la cour - au comptoir, dans la salle de conférence et, bien sûr, dans la salle d'audience.
1. Le Projet pilote utilise un système électronique de suivi (Q-matic) pour le service à la clientèle en vue d'améliorer et de suivre le service offert aux clients d'expression française.
2. Tous ceux qui sont capable de servir la clientèle en français porteront un bouton disant « Je parle francais ».
3. Les procureurs de la Couronne se rendront disponibles pour les enquêtes sur le cautionnement en français pour la durée du Projet pilote.
4. Les meilleures pratiques seront identifiées.
Nous sommes très chanceux d'avoir en Danielle Manton, un membre bilingue et chevronné dans le domaine des services en français pour diriger ce projet.
QUESTION #3 : Nous savons que dans la région de l'est, plus particulièrement à Ottawa, la communauté francophone est élevée. Est-ce que vous pensez que ce sera un modèle que nous pourrons adopter ailleurs? Je pense par exemple à Toronto, ou la communauté francophone est tout de même assez grande et la construction du nouveau Palais de justice est en préparation. Est-ce que le projet pilote d'Ottawa aidera à planifier davantage ?
Le projet pilote nous aidera à mieux savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. On a beaucoup de ressources qu'on peut concentrer sur le projet pilote pour bien étudier l'affaire.
C'est un lieu idéal pour la sensibilisation du publique et des gens qui travaillent dans le secteur légal aux SEF.
Le défi à Toronto, c'est que nous avons quatre Palais de justice au niveau de la CSJ. Donc, c'est très difficile d'avoir la coordination des SEF.
QUESTION #4 : Vous parlez, dans votre rapport, du besoin d'éducation en français, pour les juges et les avocats qui bénéficieraient de cours en terminologie juridique en français et les avocats qui devraient connaître les droits linguistiques de leurs clientes et clients. Quelle est, selon vous, la priorité en matière d'éducation?
Le Code de déontologie du Barreau pour les avocats et les para juristes exige que les clients doivent être informés de leur droit d'agir en français.
Il y a 2 priorités : que tous les avocats soient conscients et voient à ce que leurs clients soient au courant qu'ils ont le droit de procéder en français et que les avocats francophones et francophiles qui parlent bien français mais qui n'ont pas suivi des cours de droit en français aient l'occasion d'apprendre la terminologie juridique.
Il faut que le Barreau et la magistrature travaillent ensemble pour bien coordonner les ressources.
QUESTION #5 : Quel est le rôle que le Barreau peut jouer pour améliorer l'accès à la justice en français?
L'article 1.03 de la Code de déontologie du Barreau du Haut Canada exige que l'avocat doit, s'il y a lieu, informer son client de son droit à l'emploi du français dans le traitement de son dossier.
Pour ce qui ait des avocats, les priorités sont la coordination et centralisation des services parmi les associations des avocats et para juristes.
Le rôle du Barreau, c'est le leadership et d'assurer la coordination parmi les associations en ce qui concerne l'éducation et l'entrainement des avocats. C'est aussi de servir comme point central pour la distribution des dépliants et l'information auprès des SEF.
Les avocats doivent être en mesure d'informer leurs clients au premier instant de leurs droits.
• Le Barreau a mis à jour le guide intitulé Informer les clients de leur droit à l'emploi du français dans le cadre d'une procédure judiciaire ou quasi-judiciaire et a créé un deuxième guide à l'intention des para juristes.
• Un nouveau Programme de pratique du droit a été approuvé et est offert en français à l'Université d'Ottawa.
Le Barreau nous a déjà donné l'occasion de:
• Rencontrer les représentants de toutes les associations.
• Préparer un sondage des besoins pour les SEF et l'intérêt des avocats aux cours pour améliorer leur français, de créer une liste plus détaillé des avocats francophones et leur spécialisation.
• Former un comité liaison du Barreau du Haut-Canada,
• Éduquer les avocats dans la terminologie juridique et préparation des procès en français en collaboration avec les juges et membres du barreau francophones.
• Publicité (dépliants pour donner de l'information à tous sur les SEF).
QUESTION #6 : Et, la grande question, le travail du Comité est maintenant terminé. Quelles sont les prochaines étapes, s'il y en a?
Le rapport « Accès à la Justice » et la réponse du Comité de la mise en oeuvre ont souligné la nécessité que tous les partenaires de la justice doivent travailler ensemble pour améliorer la coordination des services en français.
Du point de vue de MPG, il y aura des réunions régulières pour les comités régionaux, et les normes de services continueront à s'appliquer.
Concernant l'Office des affaires francophones spécifiquement, l'OAF a commencé un travail de collaboration avec le MPG en ce qui a trait à l'harmonisation des régions désignées en vertu de la Loi sur les services en français et de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
L'OAF poursuit aussi son travail avec le Comité d'engagement de la communauté juridique dans le cadre de la mise en œuvre du projet.
Nous allons faire une vérification des succès et défis restant après un an et plus d'information sortant du projet pilote.
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